L’artiste peut jouer plusieurs rôles au sein d’une communauté. L’un de ces rôles, c’est sans doute de représenter la vie, dans ce qui se vit de beau ou d’effroyable; c’est d’être interpellé et de produire une œuvre avec une certaine portée symbolique qui résiste au temps et qui accompagne la mémoire des hommes. Récemment, le Québec n’a pas été épargné par des drames qui, on le sait, auraient pu être évités. Le caractère funeste des tragédies du Lac-Mégantic et de L’Isle-Verte imposa ici à l’artiste une esthétique « distanciée » qui laisse place, tel un espace vierge, à ces vies qui ont été fauchées. Ce travail d’évocation prend forcément deux formes différentes bien qu’apparentées par leur élégance et l’équilibre qui existe entre les pleins et les vides, la « présence » et la « disparition ».
Chaque monument commémoratif réunit un nombre d’éléments architecturaux équivalant au nombre des victimes. La couleur blanche incarne la pureté, l’essence même de la vie et l’envers du sinistre. Les 47 colonnades du projet du Lac-Mégantic évoquent non seulement les personnes, mais aussi les arbres calcinés, ébranchés et demeurés debout après l’incendie, tandis que les 32 voiles bombées au vent d’un voilier schématisé rappellent la vie de ceux et celles qui vivaient au bord du fleuve et qui étaient portés par une vie bien remplie avant leur dernière escale. Au centre de ce monument, le vide s’apparente à une croix (pour les gens qui veulent bien la voir). L’idée du bateau associée au passage dans une autre vie date de l’antiquité égyptienne (la barque de Rê). Les noms des disparus seront inscrits sur le flanc du bateau en rangées verticales sous les voiles, ce qui les relie de manière plus personnelle.
En suivant ce lien, vous pourrez voir un reportage du Téléjournal diffusé le 10 mars dernier (entre 30:32 et 43:55).